Pendant le premier millénaire du christianisme, toute l’Europe, occidentale comme orientale, faisait partie de la même Église " indivise ". Le Grand Schisme de 1054 a divisé une première fois l’Église en deux grandes parties et une seconde fracture s’est effectuée en Occident lors de la Réforme. L’Église orthodoxe garde précieusement la mémoire de l’Église indivise, avec l’espoir de retrouver de nouveau cette unité de la confession de la foi entre l’Orient et l’Occident.
Cette mémoire de l’Église se manifeste par exemple dans la commémoraison des saints occidentaux du premier millénaire, qui sont généralement fêtés le même jour en Orient et en Occident, par exemple Sainte Geneviève de Paris, le 3 janvier. Il en va de même pour les grands papes de cette période, comme saint Léon le Grand, considéré comme un Père de l’Église par l’Église orthodoxe, et le pape saint Grégoire le Grand, à qui est attribuée la Liturgie des saint Dons présanctifiés, célébrée en semaine pendant le Grand Carême.
Après la rupture entre l’Occident et l’Orient, les rapports entre les deux branches de l’Église sont restés tendus, sinon ouvertement conflictuels, pendant des siècles. Les communautés de tradition orientales en Occident, notamment à Ravenne et en Sicile, disparaissent avec le temps, de même que la communauté des Bénédictins d’Amalfi installée au Mont Athos. Les croisades, la prise de Constantinople en 1204 et l’échec des tentatives d’union entre l’Orient et l’Occident au XIIIe et au XVe siècles vont douloureusement agrandir le fossé entre les deux.
Ce n’est qu’à l’époque moderne que des communautés issues de pays de tradition orthodoxe s’établissent en Europe occidentale. En 1816, à la suite de l’occupation de Paris par les troupes russes, une paroisse russe est instituée dans la capitale, et en 1820 la première paroisse grecque en France est fondée à Marseille. Les premières églises orthodoxes en France remontent au milieu du XIXe siècle : l’église de la Dormition de la Mère de Dieu à Marseille en 1845 ; la première chapelle roumaine à Paris en 1853 ; et en 1860, avec le rattachement de Nice à la France, l’église Sainte-Alexandra qui devient la première église russe érigée en France. L’église russe de Saint-Alexandre-de-la-Néva à Paris a été inaugurée en 1861 et l’église grecque Saint-Étienne, également à Paris, en 1895.
Avant la Première guerre mondiale, la présence orthodoxe en Europe occidentale a son origine surtout dans les activités commerciales et les relations diplomatiques et culturelles entre les pays européens et ceux de tradition orthodoxe. Avec la Première guerre mondiale et les grands événements politiques et sociales qui en résultent en Russie et en Turquie, ce sont les arrivées massives d’immigrants et de réfugiés qui ont alimenté les communautés orthodoxes : deux vagues d’immigrants grecs, l’une après l’occupation de la Dodécanèse par l’Italie, l’autre après la catastrophe d’Asie mineure, où plus d’un million de Grecs sont massacrés ou expulsés par l’état turc ; puis, à partir de 1920, c’est l’arrivée de réfugiés russes fuyant la révolution bolchevique. À ces communautés se sont ajoutés des Bulgares, des Serbes et des Roumains, surtout après la Deuxième guerre mondiale, et des Arabes chrétiens, dont le nombre en Occident a considérablement augmenté suite aux conflits au Liban.
Le Métropolite Euloge, exarque du Patriarcat de Moscou installé a Paris en 1923, a été le premier évêque orthodoxe résident en Europe occidentale. Sous son omophore, la communauté russe, regroupée autour de l’Église, s’est caractérisée par une activité intense dans plusieurs domaines : les arts et les publications, l’entraide, les associations culturelles et sociales, la théologie, l’iconographie et la musique sacrée. En 1925, des jeunes théologiens et liturgistes d’origine russe fondent la Confrérie Saint-Photius à Paris, dont le but était d’œuvrer pour l’indépendance et l’universalité de l’Orthodoxie. Parmi les grands théologiens et liturgistes associés à la Confrérie Saint-Photius figurent Eugraph Kovalevsky (devenu plus tard Mgr Jean de Saint-Denis), le liturgiste et musicologue Maxime Kovalevsky, le théologien Vladimir Lossky et l’iconographe Léonide Ouspensky.
En 1925 également l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge a été fondé pour dispenser un enseignement théologique, d’abord en russe, et plus tard en français. L’Institut Saint-Serge servait les besoins croissants de la communauté russe en France, puis, avec le temps, des orthodoxes partout en Occident. Le premier et, pendant longtemps, le seul institut de théologie orthodoxe en Europe occidentale, l’Institut Saint-Serge a joué et continue de jouer un rôle capital dans l’enseignement théologique en Europe occidentale et même en Amérique du Nord. Parmi les grands théologiens de l’Institut Saint-Serge sont le père Serge Boulgakov et Paul Evdokimov, ainsi que les pères Jean Meyendorff et Alexandre Schmemann, qui ont également enseigné au Séminaire Saint-Vladimir à New-York.
En même temps que les communautés d’immigrés des pays orthodoxes renforçaient la présence orthodoxe en Occident, des Occidentaux " de souche " découvrent l’Église orthodoxe et s’y joignent, créant, avec les enfants d’immigrés nés en Occident, une demande pour des services liturgiques en français et en d’autres langues occidentales. La première célébration de la Divine Liturgie en français a eu lieu à l’Institut Saint-Serge en 1927 et en 1928 la responsabilité de la première paroisse orthodoxe de langue française a été confiée au père Lev Gillet, connu par la suite par son pseudonyme, " Un moine de l’Église d’Orient ". Après la Deuxième guerre mondiale, des paroisses orthodoxes entièrement francophones sont constituées sous l’impulsion du père Eugraph Kovalevsky, pratiquant un rite occidental, et à partir de années 70, l’utilisation du français comme langue liturgique devient de plus en plus répandue dans beaucoup de paroisses de rite byzantin.
Le monachisme orthodoxe est largement représenté en France. Le premier monastère orthodoxe en Europe occidentale, Notre-Dame-de-Toute-Protection à Bussy-en-Othe (Yonne), a été fondé en 1946. Aujourd’hui, il y en France une vingtaine de communautés monastiques orthodoxes, une en Suisse et deux en Belgique. Il y a aussi une communauté de laïcs orthodoxes, présidée par un prêtre et son épouse : le Centre d'études et de prière Sainte-Croix en Dordogne. Sainte-Croix pratique la vie communautaire et la prière commune et il partage la foi en proposant des sessions, des retraites et des rencontres ouvertes à tous.
Pour des raisons historiques, les paroisses, monastères et centres orthodoxes en Europe occidentale se regroupent en diocèses selon leurs origines ou les circonstances de leur fondation et dépendent de leurs patriarcats respectifs. La concertation formelle entre les différentes juridictions orthodoxes représentées en France remonte à 1939. Un comité permanent inter-orthodoxe a été fondé en 1943 et en 1967 est créé le Comité inter-épiscopal orthodoxe, devenu l’Assemblée des évêques orthodoxes de France en 1997. Instance réelle de concertation, de coordination et de communication, l’Assemblée des évêques orthodoxes, présidée par le représentant du Patriarche œcuménique en France, regroupe les évêques orthodoxes canoniques résidant en France.
En parallèle et dans un esprit de collaboration, la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale est une association orthodoxe qui s’est donné pour tâche depuis une quarantaine d’années de susciter des échanges et un rapprochement entre les orthodoxes de toutes origines. Elle organise notamment des congrès trisannuels réunissant des orthodoxes de toute l’Europe occidentale pour lier amitié, prier et réfléchir ensemble sur les grands thèmes touchant l’Orthodoxie.
On compte aujourd’hui environ 150,000 orthodoxes et 150 lieux de culte orthodoxe en France, dont une vingtaine dans la seule ville de Paris.
En Belgique, la première chapelle orthodoxe à Bruxelles date de 1862. Au fil des ans, aux orthodoxes d'origine grecque, russe, ukrainienne, serbe, roumaine et bulgare appartenant à diverses Églises locales se sont joints des Belges de souche. L’Église orthodoxe en Belgique compte cinq évêques, 37 paroisses et environ 50,000 fidèles. L'État belge a reconnu officiellement le culte orthodoxe en 1985. Une loi de 1988 prévoit l'organisation pratique de l'exercice de ce culte ; elle stipule que l'organe représentatif de l'ensemble de l'Église orthodoxe est le Métropolite-Archevêque du Patriarcat œcuménique de Constantinople ou son remplaçant. Des cours de religion orthodoxe sont enseignés dans les écoles officielles du pays qui en ont formulé la demande. Depuis le début de 1994 l'Église orthodoxe a ses propres émissions aux deux radios officielles belges.
En Suisse, l’événement fondateur et décisif de l’établissement de la foi chrétienne est sans aucun doute le martyr de la légion thébaine. Saint Maurice et ses 2,000 compagnons ont péri dans le défilé d’Agaune au IIIe siècle, plutôt que de sacrifier à l’empereur Maximien. L’écho en fut si considérable que saint Athanase d’Alexandrie est venu se recueillir sur le tombeau des martyrs lors d’un de ses exils. Au VIe siècle saint Maire a tant fait pour la conversion des habitants de l’actuelle Suisse romande, qu’on le compare à saint Martin de Tours. Plus tard, le Jura se peuple d’ermites et les monastères fleurissent. La Suisse romande faisait alors partie des métropoles de Besançon et de Lyon ; c’est ainsi que la Suisse romande est née à la foi dans l’Église des Gaules, la plus importante des églises locales d’Occident du Ve au VIIIe siècles.
L’Orthodoxie a repris pied en Suisse au XVIIIe siècle, lors du passage des troupes du maréchal russe Souvaroff durant les guerres de la Révolution française. La paix revenue, les estivants russes fortunés lancent ce qui allait devenir une des industries les plus florissantes du pays, le tourisme. Établis le long du lac Léman, ils construisent deux églises, à Vevey et à Genève. Au XXe siècle, l’émigration grecque des armateurs, puis des ouvriers, construit une église à Lausanne en 1922, puis le centre du Patriarcat de Constantinople à Chambésy près de Genève et fonde d’autres paroisses en Suisse alémanique. Dès les années 30, le Patriarcat de Moscou établit des paroisses à Zurich, puis à Genève et à Payerne, ainsi qu’un monastère à Dompierre. Les émigrés de l’ancienne Yougoslavie forment environ soixante pour cent des quelques 80,000 à 100,000 orthodoxes vivant en Suisse. Aujourd’hui, il existe en tout trente communautés orthodoxes en Suisse.
Après la longue coupure suite au schisme du XIe siècle entre l’Église d’Orient et l’Église d’Occident, la foi orthodoxe est devenue, depuis un siècle et demi, une réalité vivante en Europe occidentale. Aux commerçants, représentants diplomatiques, artisans et réfugiés des pays de tradition orthodoxe établis en Europe occidentale se sont joint des occidentaux " de souche, " à la recherche de l’expression authentique du christianisme. Participant activement au mouvement œcuménique, l’Orthodoxie occidentale contribue à la redécouverte par les chrétiens d’autres confessions de la tradition théologique, liturgique et spirituelle de l’Église indivise du premier millénaire, à travers, par exemple, la sublimité de la liturgie byzantine, la beauté des icônes et des chants orthodoxes, la prière de Jésus et la spiritualité hésychaste
(Extrait de http://www.pagesorthodoxes.net/foi-orthodoxe/eglise-aujourdhui.htm